Les trains indiens

29 juin 2007

Au lieu de continuer ce récit sous la forme pas très passionnante du journal de bord, tel jour on a fait ci, je vais continuer avec des morceaux de tout et de rien, que je vous délivrerai selon mes humeurs et au compte-goutte pour que ça dure !

On commence avec une petite ode aux trains indiens...

Les trains indiens, c’est bien...fenêtres ouvertes, pieds nus, savates qui traînent, l’air circule, le thé et le café aussi, se poster aux portes ouvertes, regarder défiler dans un souffle d’air chaud cocoteraies, rizières, terres rouges ou marécageuses (on est dans le Kerala au fait), buffles accompagnés d’élégantes aigrettes, blanches silhouettes au milieu des vertes pousses de riz, larges fleuves où se font les lessives, trains aux grappes de voyageurs accrochés aux portes...c’est le matin, ça se réveille doucement dans le train, une dame, après s’être recoiffée, descend de sa couchette dans une vague de tissu jaune or puis cherche ses tatanes sous le siège avant d’aller se rafraîchir au petit lavabo...quelques gamins chantent à tue-tête...

Des familles regardent passer le train, sourires étincelants...une gargote le long de la voie ferrée « Hotel Rail View »...File, ou plutôt enchevêtrement multicolore de motos, camions, vélos, vaches, scooters, piétons amassés au passage à niveau et nous regardant passer...

Je dois rejoindre Sreesh dans sa banlieue, c’est à dire à Nahur (entre Bhandup et Mulund), environ 45 minutes de trajet depuis Victoria Station...il est 7h du soir...J’achète mon billet, je trouve la bonne plateforme, je monte et m’assois, j’ai le temps de voir venir ma station...le train démarre...à chaque arrêt, une quantité incroyable de femmes montent (oui, je suis dans le wagon « ladies », en queue de train), jeunes actives en salwar kameez, musulmanes enrobées, femmes avec leurs paquets, gamins...d’un signe de la tête ou de la main, elles demandent aux « assises » leur station, histoire de se tenir prête à sauter sur leur place le moment arrivé...les stations défilent, le flot de voyageuses continue de se déverser dans le wagon...comme je ne sais pas exactement à quel moment je dois descendre et que je ne peux pas surveiller les stations là où je suis, je décide de me lever et de me frayer (ce mot fait figure d’euphémisme ici, mais il n’existe pas de mot permettant de rendre compte de la réalité de la chose...) un chemin jusqu’à la porte (ouverte) du wagon...collées, imbriquées, encastrées les unes dans les autres, il faut pousser pour passer, sans oublier de faire suivre les sacs éventuels qu’on aurait dans les mains...elles sont où d’ailleurs, mes mains ? et sans non plus pousser au point d’envoyer valser hors du wagon celles qui se tiennent près des portes...ça crie (ah, là, c’est une des rares fois où j’ai senti un peu de tension entre les gens, mais il y avait vraiment de quoi, le train inter urbain à côté, c’est l’ashram !), les châles se perdent, les gamins aussi...enfin, des femmes derrière moi manifestant leur projet de descendre à la station prochaine, je décide d’en profiter pour descendre moi aussi et faire une petite pause....le wagon nous vomit littéralement, et nous voilà sur la plateforme...il reste 3 stations jusqu’à Nahur, je prends le train suivant, tiens, un wagon avec presque personne ! L’aubaine ? Non, la première classe...Ça téléphone, ça écoute ses lecteurs mp3, ça lit, ça remplit des sudoku...Bon, ben j’y suis, j’y reste, je n’ai pas le courage de tester la montée dans le train, c’est que je suis novice, voudrais pas me retrouver entre le train et la voie...voilà pour l’épreuve du train de banlieue en heure de pointe : je suis recalée...

Train de banlieue à Pune, wagon "ladies"...

Je reviens de Pune, vers Bombay, en deuxième classe également, après tout, il n’y a que 4 heures de trajet me suis-je dit...il est 5h du soir, le train arrive d’Hyderabad avec les deuxième classes pleines à craquer...bon, je reste à l’entrée du wagon, debout contre mon sac, coincée entre les toilettes, la porte du wagon, les autres passagers et leurs volumineux paquets...le sac en jute rempli de céréales d’un beau paysan aux yeux brillants fuit sur le sol du wagon. Une très jeune maman avec sa toute petite fille, assise dans le vent qui s’engouffre par la porte du wagon...une femme parcourt les couloirs en chantant, s’accompagnant de sortes de castagnettes. Femmes du Rajasthan, lourds bijoux en argent dans les cheveux de chaque côté du visage, costume incrusté de gros miroirs...

Ce n’est pas si dur que ça, de rester debout...il faut dire qu’on n’est pas si mal, incrustés les uns dans les autres...de temps en temps, une grosse dame, après avoir difficilement extrait son petit pot en plastique et son savon de son sac, se fraie un passage vers les toilettes et en ressort fringante dans une bonne odeur de savon...Je suis admirative devant la totale absence d’organisation et de sens pratique dans la disposition des gens et bagages dans ce train : des paquets, des gamelles, des bassines, quelques gens sur les sièges, des gens et presque pas de bagages dans les porte-bagages, des pieds qui pendent devant des visages, des sacs qui rentrent dans les chairs...

On se sent bien seule quand tout ce monde est descendu aux stations de banlieue et qu’on se retrouve dans un wagon vide à Victoria Station...Mais tout cela n’est rien, comparé à ce qu’on peut vivre dans les trains de banlieue de Bombay aux heures de pointe...

Trajet Varkala- Allepey en train, le soir...on goûte à la deuxième classe, jusqu’ici on était en classe « sleeper », c’est à dire avec une réservation et une place bien définie, dans des wagons aux sièges- couchettes bleus. Donc, là, ce sont des bancs en bois et des porte-bagages en métal sur lesquels des fakirs en herbe dorment à poings fermés. Des pieds ornent le couloir à hauteur de tête, il y a des tongs et des sandales partout par terre...que des hommes...